Les Vosges sont couvertes de forêts. Les hommes qui les exploitaient avaient besoin de transporter le bois. Pour cela, ils inventèrent un système particulier: la schlitte. (mot allemand signifiant "traîneau")
Une schlitte est comme une grande luge avec de longs patins qui remontent à l'avant.
Elle est en hêtre ou en frêne et pèse 28 kg vide. Chargée, elle peut peser jusqu'à trois tonnes.
La schlitte glissait sur un chemin constitué de quartiers de bois placés comme les traverses de chemin de fer.
Ces quartiers sont retenus par des coins qui dépassent. La technique d'utilisation de la schlitte est simple, mais fatigante et dangereuse. L'homme s'adossait à la schlitte et s'accrochait aux patins. Puis il descendait en retenant le traineau, rondin par rondin du chemin. Le plus difficile était de retenir le traîneau dans les pentes vertigineuses. Beaucoup y ont laissé leur vie...
Selon l'expression populaire dans les Vosges: "La schlitte tue l'homme en montant, et l'achève en descendant", ce qui témoigne du caractère harassant de la tâche.
Bûcherons et schlitteurs montaient ensemble sur les lieux de travail. Les schlitteurs portaient leur schlitte, les bûcherons leurs outils: haches, passe-partout, coins...
Avec ce bois descendu des Vosges, on faisait des charpentes, des meubles, du charbon aussi.
Pour cela, on empilait le bois en un tas en forme de meule et on le recouvrait de terre et de mousse.
Récit:
UNE JOURNÉE DE SCHLITTAGE AVEC LES BÛCHERONS
L'hiver 1933/1934 avait été assez neigeux et les bûcherons en avait profité pour faire une coupe de chablis dans un endroit peu accessible qu'on appelait la noire basse et d'où on ne pouvait extraire le bois qu'à la schlitte et à la faveur d'un enneigement suffisant.
Un sentier piétonnier serpentant autour des rochers à flanc de montagne y donnait accès. Depuis cette époque on a élargi ce sentier en faisant sauter les rochers à l'explosif et en construisant des murs de soutènement au-dessus des ravins, ce qui a considérablement modifié l'aspect et les possibilités d'exploitation de l'endroit. La couche de neige fut jugée satisfaisante pour passer avec les schlittes sur ce sentier et la saison était favorable (on était en février).
D'autre part les bois débités devaient être "mis à chemin" avant la fin de l'hiver. Aussi fut-il décidé d'en profiter sans plus attendre. Je me trouvais disponible du fait de la fermeture de l'usine qui chômait, subissant les effets de la récession économique qui secouait l'occident à cette époque-là. Je fus donc requis pour participer à ce travail bien que je n'eusse guère d'expérience. Cela ne présentait pas de difficulté particulière sinon une certaine habitude de la neige et un peu de force et de souplesse pour bien maintenir la schlitte. Cela ne pouvait manquer de me plaire car j'étais toujours avide d'expérience. Le plus âgé, qui de ce fait était aussi de le responsable de l'équipe, me prit particulièrement en charge dès le premier jour, me faisant toutes les recommandations d'usage, m'indiquant la manière la plus efficace d'éviter un mauvais pas et de maîtriser la schlitte et son chargement en toute circonstance.
Il faut croire que je ne fus pas trop mauvais élève car dès le premier jour je fis quelques voyages avec une charge qu'il m'autorisait à augmenter au fur et à mesure qu'il jugeait mes progrès. La pente était faible mais toutefois suffisante pour nous épargner trop d'efforts. Elle comportait pourtant quelques accidents dont il fallait se méfier : c'était la traversée d'une dépression causée par un ruisselet qui avait affouillé la couche de neige, ou une bosse constituée par un rocher émergeant du chemin, un tournant un peu court autour d'un obstacle, roche ou tronc d'arbre, bref tout ce qu'il fallait pour que le parcours ne fût point monotone.
Il convenait d'aborder ces obstacles avec la plus grande prudence, de freiner pour n'avoir point trop d'élan et rester maître de la situation, ou au contraire, d'accélérer pour passer une bosse sans s'arrêter, car alors on n'aurait pas pu redémarrer. Il importait aussi de suivre la cadence car il n'y avait ni croisement ni dépassement possible. Le dernier de l'équipe devait arriver juste au moment ou le premier se disposait à remonter, sans avoir eu besoin d'attendre que la piste fût libre afin qu'il n'y eut aucune perte de temps. Tout cela constituait un ballet parfaitement réglé régulant du même coup l'effort afin de ne pas se gêner, les temps de chargement et de déchargement étant parfaitement calculés...
Dans le film "les grandes gueules de Robert Enrico, tourné dans les Vosges, on peut voir une scène de descente à la Schlitte (particulièrement périlleux)...
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